La désignation coloniale « Golfe Persique » et les significations de l’arabité du Golfe Arabe
Depuis le début de l’intervention coloniale dans la région arabe, les puissances occidentales ont cherché à remodeler les réalités politiques et géographiques pour servir leurs intérêts stratégiques, souvent au détriment de l’identité et de l’histoire des peuples.
L’un des exemples les plus marquants de cette intervention est l’imposition du nom « Golfe Persique » au lieu de « Golfe Arabe ». Cette initiative des puissances coloniales visait à renforcer leur influence tout en affaiblissant l’Empire ottoman, qui représentait alors une grande puissance islamique dans la région, afin de freiner ses ambitions de contrôle ou d’expansion dans cette zone stratégique.
La décision des puissances occidentales d’imposer le terme « Golfe Persique » n’était pas fortuite. Elle faisait partie d’une stratégie délibérée destinée à atteindre leurs objectifs politiques, notamment affaiblir l’hégémonie ottomane et alimenter les conflits régionaux. Ce choix s’accordait également avec le soutien des puissances occidentales à l’Iran, considérée comme une force d’équilibre face à l’Empire ottoman, surtout dans un contexte de rivalité entre les grandes puissances de l’époque pour le contrôle d’une région riche en ressources et d’un axe commercial crucial.
Malgré des tentatives acharnées pour effacer l’identité arabe du Golfe Arabe, les colonisateurs n’ont pas réussi à anéantir totalement l’arabité de la région. La majorité des îles du Golfe ont conservé des noms qui reflètent clairement leur profond lien avec la culture et l’identité arabes. Ces noms n’étaient pas choisis au hasard, mais décrivaient fidèlement la nature et les réalités maritimes vécues par les populations locales et les marins arabes.
Parmi les exemples les plus emblématiques, on trouve l’île de « Salamah wa Banat’ha » (Salamah et ses filles). Ce nom arabe traduit les émotions ressenties par les marins arabes lorsqu’ils apercevaient l’île après de longues et éprouvantes traversées maritimes. Cette île représentait un symbole d’espoir, annonçant la proximité de la terre ferme et la fin de leurs souffrances face aux vagues déchaînées et aux dangers de la mer.
Même dans les rapports des responsables occidentaux, on retrouve une reconnaissance de l’authenticité et de l’origine arabe des noms des lieux et des îles du Golfe. Le colonel britannique Charles H.D. Ryder, qui participa au tracé des frontières entre l’Empire ottoman et l’Iran au début du XXᵉ siècle, décrivait les noms arabes comme étant empreints d’une grande beauté descriptive. Parmi les noms qu’il mentionna figuraient « Umm Jer » et « Abu Tuweir », qui illustrent le lien étroit entre ces appellations, la géographie et les traditions locales.
Le site Karun a également fait référence à « Salamah wa Banat’ha », un nom donné par les Arabes pour exprimer la joie qui remplissait le cœur des marins lorsqu’ils apercevaient cette île après des voyages maritimes exténuants et interminables. Voir cette île et ses îlots voisins rappelait aux marins la vue des mouettes, symbole de la fin de leur traversée et de l’approche de la terre ferme, marquant ainsi la fin de leurs épreuves en mer.
Le colonel Ryder, lors d’une présentation devant la Société Royale de Géographie le 8 juin 1925 à Londres, relata certains faits marquants de sa mission de délimitation des frontières entre l’Empire ottoman et la Perse en 1913 et 1914. Il déclara : « Ce matin, notre village a été honoré par la visite d’Abu Batina. Après avoir traversé les marais, nous avons atteint Al-Basitain, où j’ai enchanté les Arabes en tirant sur des oiseaux. C’est à ce moment-là que nous avons fixé les frontières à un point localement connu sous le nom de Umm Jer (Umm al-Qar). Les noms arabes sont souvent d’une richesse descriptive enchanteresse. Par exemple, ils appellent la caille ‘Abu al-Manqaar al-Taweel’ (celui au long bec). » Ryder ajouta également une anecdote humoristique, rapportée par un cheikh arabe, sur un collègue européen dont la stature remarquable avait marqué les habitants.